Imaginer que vous ne sachiez pas lire et que vous deviez prendre le bus, retirer de l’argent au distributeur, lire le bulletin scolaire de votre enfant. Le désarroi est fort et réel.
Malheureusement c’est une réalité à laquelle plus de 2,5 millions de personnes sont confrontées en France.
Ce handicap a des conséquences dramatiques : chômage ou grandes difficultés professionnelles, détresse financière, familiale et sociales.
La structure de proximité, à savoir une association ou une structure uniquement dédiée à ce problème, composée de professionnels et de bénévoles, avec de petits groupes et une pédagogie basée sur la vie quotidienne. Proximité car une personne en situation d’illettrisme est peu mobile, souvent en précarité financière. C’est aux organismes d’aller vers elles.
l'Agence Nationale de Lutte contre l'Illettrisme (ANLCI). Que fait l'ANLCI ? Elle communique. C'est déjà bien, mais nettement insuffisant.
L'illettrisme en France selon Agence Nationale de Lutte contre l'Illettrisme (ANLCI)
L'illettrisme en France tel que le vivent les associations
Parce que l'illettrisme n'est pas une fatalité, parce que « l'instruction est le droit de tous, et la Société la doit également à tous ses membres » Constitution de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen Article 23.
"J’étais dans le noir, mais maintenant je suis dans la lumière…" Phrase de K., stagiaire qui était analphabète.
Pour la mettre en confiance et la rassurer, nous lui donnons des cours individuels. La recherche d’un travail était une priorité pour elle. Devant ses difficultés en lecture et écriture, nous l’avons accompagnée au pôle emploi pour s’inscrire. Cet accompagnement s’est avéré obligatoire. Dès l’entrée dans le local, toutes les informations importantes étaient écrites, ce qui l’a beaucoup déstabilisée. Il lui fallait donc aborder le conseiller à l’accueil pour se renseigner. Et le problème c’est sa réponse : "c’est écrit là". Certains conseillers ne pensent pas qu’une personne peut être illettrée. Puis arrive l’entretien, et Delphine est à nouveau confrontée à son handicap: la conseillère lui donne des papiers sur lesquels "la marche à suivre est écrite".
A créé une micro entreprise, Il est envoyé par une assistante sociale. Quand il arrive dans nos cours, il parle fort, à tort et à travers, n’arrive pas à dire ses besoins "Je veux apprendre à lire et à écrire .Je souhaite être seul, pas dans un groupe" Après quelques cours, il nous parle de ses problèmes, commence à demander des aides : pour ses comptes, remplir des factures (il demandait à ses clients de remplir une enveloppe avec leur nom, adresse puis ensuite faisait faire la facture par un ami), pour remplir les remises de chèques. Petit à petit, nous faisons un plan de travail avec lui, il commence à lire, écrire, compter mieux gérer son entreprise, écrire des lettres, savoir noter les noms et adresses de ses clients. Il ne parle plus fort, se concentre mieux, Il nous dit qu’il se sent mieux, se plait à dire autour de lui qu’il va à l’école. Patrick veut continuer "J’ai encore beaucoup de choses à apprendre même si je me débrouille, je veux aller jusqu’au bout et puis il y a quelque chose qui me gêne encore, je ne comprends pas toujours ce qu’on me dit surtout dans les administrations". Patrick comme beaucoup d’illettrés a un vocabulaire pauvre, et ne se sent pas toujours en confiance.
Puis, elle revient car elle a besoin de travailler et a besoin de conseils pour aller vers l’emploi notamment vers l’aide à la personne, nous l’aidons à se présenter, à connaître cette profession et en apprendre le vocabulaire. Elle réussit en 3 mois, accède à cet emploi qui passe tout de même par l’écrit.
"J'entendais les gens en parler mais je ne connaissais pas, parce que je n'y étais jamais allée et que personne ne m'avait vraiment expliqué ce que c'était.Maintenant, je connais et je peux dire que j'aime bien."
Aujourd'hui, vendredi 19 mars 2010, nous sommes allées au cinéma. A Hourtin, une journée "spéciale littoral" est organisée, avec matin, la projection du film Océan, de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, qui propose de découvrir l'océan tel que nous ne le voyons que très rarement. Paulette, qui va entrer dans un cinéma pour la première fois se demande comment est l'intérieur et comment se déroule une séance.
Nous entrons et nous installons parmi des collégiens venus eux-aussi assister avec leurs professeurs à la projection de ce film documentaire. Paulette me suit : "C'est grand." Le film commence et nous voilà parties pour 1 heure 45 de beauté, de découverte et de quelques explications que je donne de temps à autre à Paulette lorsque je la sens quelque peu décontenancée par ce qu'elle voit.
Puis le film se termine et nous sortons. Aucune de nous ne parle. Dans la voiture, nous échangeons quelques mots mais n'engageons pas vraiment de conversation, car aux réponses que me donne Paulette, je comprends qu'elle n'a pas envie de discuter. Nous rentrons silencieusement. Après notre pause repas nous revenons tout naturellement sur notre sortie du matin et discutons de nos impressions, de ce qui nous a plu, déplu ou marqué dans ce film.
Pour raconter ce qu'elle a vu, Paulette utilise ses mots, elle n'est pas sûre d'elle et je dois l'aider à trouver les noms des animaux dont elle veut parler (elle parle de banane pour baleine) mais elle est ravie de notre sortie et ravie d'avoir découvert tout un monde qu'elle ne soupçonnait même pas : "ça existe ça ?!".
Pour terminer, elle dira :"C'était la première fois que j'allais au cinéma. Ça m'a fait bizarre parce que c'était grand et beau.J'ai aimé voir des gens et j'ai aimé voir le film qui m'a plu. J'aimerais bien y retourner." Et peut-être, pourquoi pas, avec ses enfants ?
Dans la Sambre-Avesnois, sur les communes d'Aulnoye- Aymeries, Maubeuge, Fourmies, Feignies, Ferrière la Grande et Jeumont, l'association Mots et Merveilles propose gratuitement une aide aux personnes en difficulté de lecture, d'écriture et de calcul, un soutien aux enfants scolarisés et à leur famille, des actions de lecture à voix haute dans les écoles maternelles et une formation adaptée aux formateurs
En septembre dernier, le ministre de l'économie Emmanuel Macron, a suscité un tollé en qualifiant d'illétrées des employées d'une entreprise agro-alimentaire bretonne. Le ministre s'était ensuite excusé. Reste que l'illettrisme est une réalité en France. Aujourd'hui 7% de la population de 16 à 65 ans ne sait ni lire ni écrire des messages simples de la vie quotidienne.