09-11-2010   LIBRE

Notre histoire commune et nos histoires individuelles cédées à des opérateurs privés !

Quels sont exactement les risques liés à la numérisation des archives publiques par des opérateurs privés ? C'est effectivement une bonne question. Les professionnels des archives et les associations de généalogistes s'inquiètent en effet de l'usage commercial des documents d'archives qui est réalisé par des sociétés privées de généalogie en ligne.

Ces sociétés permettent à leurs clients de consulter des données nominatives numérisées en contrepartie du financement de cette prestation. L'extension d'une telle pratique fait apparaître des risques éthiques importants, notamment en matière de protection et de fiabilité des données personnelles, de confidentialité et de liberté individuelle.

Un peu d'histoire...
La loi de 1978, qui vise à améliorer les relations entre les citoyens et l'administration, oblige les archives à ouvrir au public la masse de documents qui est en leur possession. Ces dispositions légales, couplées aux progrès technologiques et à la directive européenne du 17 novembre 2003 relative à la réutilisation des données du secteur public, encouragent les archives publiques à numériser l'ensemble de ces documents et à en donner l'accès à des opérateurs privés.

Devant le vide juridique et dans l'attente de l'avis de la CNIL, la CADA recommande aux archives départementales de se doter de conventions pour encadrer l'usage commercial de ces documents.

Pour nécessaires qu'elles soient, celles-ci ne sauraient se substituer à l'action du législateur.

Quelles sont les initiatives que le gouvernement est en mesure de prendre pour combler ce vide juridique et pour répondre aux questions éthiques qu'il pose ?

Réponse du ministère publiée au JO le 02/11/2010 (1)
La réutilisation des informations publiques soulève de délicates questions d'ordre juridique, économique et éthique. Sur le plan juridique, la directive 2003/98/CE du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public a ouvert, pour chaque État membre, la possibilité de créer un marché de la réutilisation des informations publiques, tout en excluant de ce marché les établissement culturels, au nombre desquels figurent les services d'archives publics.

L'ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 transposant cette directive a ouvert ce marché pour notre pays et l'a encadré par les dispositions des articles 10 à 19 de la loi du 17 juillet 1978, qui fixent le droit applicable à la réutilisation des informations publiques.

L'article 11 de cette loi prévoit cependant un régime dérogatoire pour les services d'archives publics, lesquels peuvent fixer des conditions spécifiques de réutilisation.

Mais aucun texte ne précise dans quelle mesure et dans quelles limites ces conditions spécifiques peuvent déroger au droit commun de la réutilisation et à d'autres règles de droit applicables à ce domaine, notamment la protection des données personnelles, le droit de la concurrence et le principe d'égalité.

Les services d'archives publics sont en train de se doter de licences encadrant leur relation avec les réutilisateurs, qu'il s'agisse de particuliers, d'associations ou de sociétés commerciales.

Ces licences fixent notamment les limites de la réutilisation et les redevances qui peuvent, le cas échéant, en constituer la contrepartie. Elles seront déterminées, s'agissant des services territoriaux d'archives, par la collectivité territoriale dont elles dépendent, en application du principe de libre administration.

Le service interministériel des archives de France a diffusé auprès de ces services une note visant à harmoniser les pratiques, dans le respect de ce principe.

Sur le plan économique, différentes sociétés privées souhaitent procéder à la réutilisation des documents d'archives publics.

L'application d'une redevance à une réutilisation commerciale de ces documents est justifiée et acceptée par la plupart des acteurs économiques souhaitant intervenir sur ce marché. Elle constitue en effet la contrepartie des investissements réalisés par l'État et les collectivités territoriales pour microfilmer ou numériser les documents conservés dans les services d'archives publics.

Le montant de cette redevance fait en revanche débat, les acteurs économiques souhaitant que celui-ci soit le moins élevé possible.

Le ministère de la culture et de la communication estime néanmoins que le prix de la réutilisation doit refléter la part déterminante que le service public a prise pour rendre possible, par les opérations de microfilmage et de numérisation des documents qu'il a financées, le développement d'une activité économique fondée sur la réutilisation de ceux-ci.

Sur le plan éthique enfin, de nombreux élus et acteurs de la société civile, notamment l'Association des archivistes français, se sont émus de la constitution par certaines sociétés engagées dans le marché de la réutilisation de bases de données nominatives indexant les documents d'archives réutilisés et interrogeables par toute personne sur Internet.

Le croisement des informations figurant dans ces documents, qui peuvent être extrêmement sensibles, pourrait permettre de constituer de véritables profils individuels, sans que le consentement des personnes concernées n'ait été recueilli.

Se pose donc la question de l'exclusion du champ de la réutilisation des documents d'archives publiques comprenant des données personnelles sensibles, tels que :
- les actes d'état civil,
- les recensements de population,
- les fichiers de police...

Et c'est très important, car ces documents font fréquemment l'objet de demandes de réutilisation en vue d'une indexation nominative diffusée sur des sites commerciaux payants.

Dans ce contexte, le ministère de la culture et de la communication, sans refuser le principe d'une réutilisation commerciale des documents d'archives publiques, a recommandé aux services d'archives publics la plus grande prudence vis-à-vis des demandes dont il est saisi, notamment lorsque des données personnelles sont en jeu, et incite ces services à se doter de licences sécurisant toutes les formes de réutilisation.

Seule une intervention du législateur pourrait poser un cadre plus contraignant pour la réutilisation de données sensibles, au travers d'une modification de l'ordonnance de 2005.

En savoir plus
(1) Question posée par M. André Vallini (député PS - Isère) à M. le ministre de la culture et de la communication.

Voici le tag Internet à sélectionner, à copier et à coller sans transformation dans la page du site où vous allez utiliser cet article. D'avance merci.

Sélection du texte ci-dessous
Notre histoire commune et nos histoires individuelles cédées à des opérateurs privés ! 
Quels sont exactement les risques liés à la numérisation des archives publiques par des opérateurs privés ? C'est effectivement une bonne question. Les professionnels des archives et les associations de généalogistes ...  <a href="https://www.loi1901.com/intranet/a_news/index_news.php?Id=1577" target="_blank">Lire la suite sur Loi1901.com</a>

Découvrir 10 autres articles



Depuis 1999 au service des associations
Jurisprudence, décrets, lois, etc.

La vie privée d'une association : fantasme ou réalité ?

23-05-2023

Est-il possible, pour une association, d'interdire l'accès à une réunion de bureau, de CA ou même à une assemblée générale, à une personne qui n'est pas membre ? Dans un quiz

Conflits d'intérêts publics pour les élus locaux

23-05-2023

C'est la loi dite "3DS" qui a introduit un régime juridique général en matière d'appréciation des risques pour les élus qui représentent sa collectivité au sein d'une personne

Panorama associatif numéro 69 : mai 2023

23-05-2023

Le Panorama associatif de Loi1901 a pour objectif de vous détailler plusieurs mesures qui ne peuvent pas faire l'objet d'un article complet, à l'unité, car trop courtes. Au

Panorama associatif numéro 68 : mai 2023

16-05-2023

Le Panorama associatif de Loi1901 a pour objectif de vous détailler plusieurs mesures qui ne peuvent pas faire l'objet d'un article complet, à l'unité, car trop courtes. Au

Comment révoquer Ad Nutum le dirigeant d'une association ?

16-05-2023

La révocation ad nutum, qui peut se traduire par "sur un signe de tête", permet de mettre un terme aux mandats des dirigeants à tout moment, sans préavis et sans motif. Alors que

Le nouveau barème Macron : indemnité pour licenciement abusif

16-05-2023

Un salarié licencié par son employeur associatif ou pas, peut contester son licenciement en saisissant rapidement le conseil des prud'hommes (CPH). De fait, c'est au juge de

Relation entre associations et prestataires bénévoles ou pas

09-05-2023

Une association est de plus en plus souvent amenée à travailler avec des prestataires. De l'organisation d'un loto à l'encadrement de cours de musique, la palette est large et

Droit du travail : rupture anticipée d'un CDD

09-05-2023

Le CDD est un contrat de travail dit " d'exception" par rapport au contrat à durée indéterminée (CDI), qui lui est un contrat de droit commun. De fait, la rupture anticipée du CDD

Panorama associatif numéro 67 : mai 2023

09-05-2023

Le Panorama associatif de Loi1901 a pour objectif de vous détailler plusieurs mesures qui ne peuvent pas faire l'objet d'un article complet, à l'unité, car trop courtes. Au

Révocation du président d'une association : nouvelle jurisprudence

02-05-2023

Nous avons déjà publié plusieurs articles sur le sujet (1). Il est vrai que nombre d'associations se retrouvent en difficulté à cause d'un président autoritaire, voire malhonnête.

Découvrir 10 autres articles
La société dans tous ses états

Toujours se méfier de l'algorithme

23-05-2023

Modérer un forum de commentaires sur Internet est un véritable sport de combat pour qui veut éviter de se retrouver avec des messages à connotation raciste, antisémite ou

Numéro 20

16-05-2023

"Je ne suis pas un numéro" hurlait Patrick McGoohan qui interprétait le numéro 6 dans la célèbre série britannique "Le Prisonnier" dans les années soixante. Sans oublier Marilyn

L'art de rater un train qui n'est jamais parti

09-05-2023

La SNCF n'aime pas les usagers, mais elle adore ses clients. L'aventure que je vais vous conter illustre très bien ce qui pourrait être une maxime et qui n'est, hélas, qu'un

La résilience du scoubidou

02-05-2023

Au lendemain d'un 1er mai aussi fourni que furieux, j'ai eu envie de vous parler du scoubidou. Parce que je pensais que le scoubidou n'existait plus. Mais, dans une de mes dérives

Les libertés associatives sont en danger

24-04-2023

Après la Défenseure des droits, c'est au tour du Mouvement Associatif de lancer l'alerte. 129 acteurs de la société civile dont la Ligue des droits de l'Homme, Laurent Berger de

Quand Marianne touche le Fonds

18-04-2023

Le 16 octobre 2020, à Conflans-Sainte-Honorine, aux abords du collège du Bois-d'Aulne dans lequel il exerçait en tant que professeur d'histoire-géographie, Samuel Paty, 47 ans, a

Les Droits de l'Homme se cherchent-ils une nouvelle patrie ?

11-04-2023

France, patrie des Droits de l'Homme. Depuis la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la France est souvent appelée "patrie des droits de l'homme", en raison de

Les chiffres clés de la vie associative 2023 - INJEP

04-04-2023

Avec cette nouvelle édition des chiffres clés de la vie associative 2023, l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP), délivre un ensemble d'indicateurs

Cela en est assez de la cécité du cétacé

29-03-2023

Jean Carmet, le regretté acteur, répétait souvent à ses amis une phrase aussi drôle que vraie : "Un sous-marin, pour une baleine, c'est un gros suppositoire". Pourquoi cette

Montrer le monde tel qu'il est

21-03-2023

Cette semaine, l'envie est à l'écrémage. Vous livrer une succession de petites nouvelles aérées, mais pas forcément fraîches, façon purée en sachet plutôt que l'article parfois

Découvrir 10 autres articles
Un peu d'ESS dans nos associations

L'art et la manière de quitter une association

23-05-2023

Que vous soyez dirigeant ou simple membre, vous pouvez quitter une association sans avoir à vous justifier et celle-ci ne peut pas vous en empêcher. Mais ceci étant posé, est-ce

L'enfance en danger : mettre des mots sur le mal

16-05-2023

Le premier poste français d'écoute voit le jour à Boulogne-Billancourt en 1960 sous le nom de S.O.S Amitié. D'autres lieux d'écoute s'ouvrent en France les années suivantes sous

La vie associative en 2023 : les chiffres-clés de l'INJEP

09-05-2023

Avec cette nouvelle édition des chiffres clés de la vie associative 2023, l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) rend accessible un ensemble

Le guide du lanceur d'alerte par la Défenseure des droits

02-05-2023

En ce moment, Claire Hédon, la Défenseure des droits est sur tous les fronts. Il faut dire qu'elle a fort à faire si l'on se réfère aux différents rapports (1) qui émanent de son

Le rapport 2023 de la défenseure des droits

25-04-2023

Le suffrage universel permet à tous les citoyens d'élire des représentants chargés d'exprimer la volonté générale dans une démocratie représentative. Mais, cela ne suffit pas. En

Présidence des associations : les femmes largement minoritaires

18-04-2023

Malgré une incontestable progression constante, mais lente, les hommes restent encore largement majoritaires à la tête des associations françaises. Quelles places occupent les

Les Français et le bénévolat en 2023 : vers une recomposition ?

11-04-2023

Recherches & Solidarités, l'association bien connue de nos lecteurs pour ses enquêtes sur tous les secteurs du monde associatif, vient de publier une nouvelle édition de son

Quand l'ESS fait la Une de Playboy

04-04-2023

Marlène Schiappa est secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale et solidaire. Poste qu'elle occupe de façon assez discrète pour ne pas dire plus (1). On sent bien que les

Contrat d'engagement républicain : la lutte continue

28-03-2023

Le Contrat d'engagement républicain est l'une des mesures phares de la loi dite "séparatisme" d'août 2021, voire même l'unique objectif pour certains. Depuis la promulgation de la

France Travail va remplacer Pôle Emploi : pourquoi ?

21-03-2023

Pour tenir l'objectif ambitieux du président de la République d'arriver à 5% de chômeurs en 2027 (et pas réaliste selon les experts), le gouvernement va créer France Travail qui

Découvrir 10 autres articles
Abonnez-vous à Lettrasso+