Pour connaître une chose, il faut la nommer. C'est un débat philosophique qui n'est pas nouveau. De tout temps, les pouvoirs se faisaient fort de changer le mot pour dominer le sens. C'est ainsi que l'on préfère technicienne de surface à femme de ménage, et que l'on finit par confondre le baise main avec un rince-doigts... De même, il semble utile aujourd'hui à certains, d'assimiler l'entrepreneuriat social avec le secteur associatif. Il faut dire que ce sont presque les mêmes qui ont d'abord utiliser le terme fourre-tout : Economie sociale et solidaire.. C'est bien pratique. Plutôt que de préciser les missions des associations, il est plus facile d'élargir le terme et de créer un bric à brac qui comprend tout et son contraire. Noyer un poisson en ajoutant de l'eau, c'est chose possible... Le terme d'économie sociale et solidaire regroupe un ensemble de coopératives, mutuelles, associations, syndicats et fondations, fonctionnant sur des principes d'égalité des personnes, de solidarité entre membres et d'indépendance économique. Mais à y regarder de plus près, l'expression se réfère plutôt à des organisations identifiées par leur statut et occupant une place importante dans la vie économique (banques, mutuelles, etc.). Nous sommes loin du secteur associatif... Alors, que dire de l'entrepreneuriat social ? Selon Muhammad Yunus, (prix Nobel de la paix pour la création du micro-crédit) l'entrepreneuriat social désigne toute initiative privée dont la finalité sociale (réponse à un besoin social) est supérieure ou égale à la finalité économique (lucrativité). Au sens du Mouvement des entrepreneurs sociaux, les entreprises sociales sont des entreprises à finalité sociale, sociétale ou environnementale et à lucrativité limitée. Elles cherchent à associer leurs parties prenantes à leur gouvernance. Nous sommes toujours loin du secteur associatif... La CPCA (Conférence Permanente des Coordinations Associatives) a réagi fortement à une note du CAS (Centre d'analyse stratégique) parue en mars dernier et intitulée « Quelle place pour l'entrepreneuriat social en France ? Une confusion voulue entre entrepreneuriat social et ESS Selon la CPCA, si la note prend la peine de rappeler que l'entrepreneuriat social est, en France, ancré dans la tradition de l'Économie sociale et solidaire, elle effectue implicitement une assimilation entre Economie sociale et solidaire et entrepreneuriat social, qu'elle présente comme la phase ultime d'évolution de l'ESS. Il est ainsi plus facile de "dessiner les contours de l'entrepreneuriat social, en focalisant sa présentation sur les quelques exemples de bonnes pratiques ou d'expériences qui ont fait leur preuve négligeant les grandes familles qui composent l'Économie sociale et solidaire à savoir les associations, les mutuelles, les coopératives". Dernière preuve de cette "confusion" entretenue, les auteurs de la note présentent le Programme d'investissement d'avenir (PIA) ou la relance du Conseil supérieur de l'Économie sociale et solidaire (CSESS) comme "un signe de la volonté du gouvernement de donner une impulsion à l'entrepreneuriat social (et non à l'ESS !)." L'art de changer le sens des mots... La note présente l'entrepreneuriat social comme "une solution à la théorie économique des défaillances de marchés, en situant sa raison d'être dans des activités qui produisent des externalités positives négligées par l'État". Or, cette conception utilitariste de l'entrepreneuriat social contraste avec la vision associative qui est porteuse d'un projet de société au service de l'intérêt général, fondé sur la rencontre entre une organisation collective de citoyens et la sphère publique de l'intérêt général. C'est tout simplement faire l'impasse sur l'espace de construction démocratique que sont les associations ! Encore une fois, il s'agit d'importer le modèle anglo-saxon La même note oublie de préciser la distinction notoire entre le modèle anglo-saxon de financement des entreprises sociales où les donations philanthropiques étaient auparavant "la principale source de financement des entreprises à visée sociales" et le financement des associations en France, historiquement largement soutenues dans leur développement par les pouvoirs publics. Nier le second, c'est essentiellement favoriser l'émergence du premier comme seule et unique source de revenus. Et bien sûr l'entrepreneuriat social souhaite pouvoir utiliser le DLA tout comme les associations Les auteurs de la note préconisent d'élargir la cible du Dispositif local d'accompagnement (DLA) à toute entreprise, quel qu'en soit son statut juridique, afin qu'il touche "davantage d'entreprises sociales". Admirez le glissement sémantique... Or, le DLA est un dispositif bien trop restreint face aux besoins d'accompagnement des associations. Il peine à accompagner plus de 4 % des 165 000 associations employeuses qui font une demande chaque année. Il ne peut même pas répondre à l'importance des besoins d'accompagnement de ses bénéficiaires actuels dont 95 % sont des associations. La CPCA estime, à juste titre qu'un "tel élargissement est donc très risqué, il reviendrait à remettre en question la pertinence du DLA comme outil d'accompagnement des associations fondé sur le respect de la spécificité des structures associatives, organisées autour d'un projet collectif fédérateur". Une diversification des cibles potentielles du DLA, si elle se révélait pertinente ce qui est loin d'être le cas, ne pourrait intervenir que dans l'hypothèse d'une conséquente augmentation de son budget global, augmentation qui ne semble pas être à l'ordre du jour compte-tenu du contexte économique et des orientations budgétaires des dernières années... Bref, on nage en plein brouillard... Nous avons toujours défendu ici, la spécificité associative, notamment les petites associations sans salariés. Ces petites associations sont la majorité en France. Elles ne sont reconnues ni par la CPCA ni par l'Economie sociale et solidaire et encore moins, vous l'aurez deviné par l'entrepreneuriat social. Raison de plus pour rester vigilant quand s'amorce ce type de débat sur une définition globale sinon globalisée de l'utilité sociale... En savoir plus L'expression "confondre le baise main avec un rince-doigts" a été empruntée a Léo Ferré. La citation exacte est : "Ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baisemain qui fait la tendresse. Ce n'est pas le mot qui fait la poésie, mais la poésie qui illustre le mot." Préface - Léo Ferré, album Il n'y a plus rien (1973 chez Barclay). Note d'analyse 268 - Quelle place pour l'entrepreneuriat social en France ? CPCA - Réaction à la note du Conseil d'analyse stratégique sur l'entrepreneuriat social en France Votre association est devenue une entreprise et vous ne le saviez pas - Lettrasso du 01-11-2011
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Entrepreneuriat social et association : pas le même monde Pour connaître une chose, il faut la nommer. C'est un débat philosophique qui n'est pas nouveau. De tout temps, les pouvoirs se faisaient fort de changer le mot pour dominer le sens. C'est ainsi que l'on préfère ... <a href="https://www.loi1901.com/intranet/a_news/index_news.php?Id=1852" target="_blank">Lire la suite sur Loi1901.com</a>
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