Oui, je sais la période est un peu agitée sur ce terrain là... Mais ce qui semblait n'être qu'une petite entorse à la loi de 1905 est en train de devenir une bombe à retardement... Les faits sont simples. Entre 2007 et 2008, le Conseil d'État a rendu 5 arrêts sur des pourvois enregistrés en contentieux qui interprètent la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l'État. En premier lieu, le Conseil d'État permet le contournement des interdits de la loi de 1905 sur le financement des cultes sur fonds public en acceptant la confusion entre usage cultuel et usage culturel des lieux de culte. Ainsi une collectivité territoriale peut-elle acquérir un bien "mixte", "utilisé dans le cadre de sa politique culturelle et éducative" (affaire de l'orgue de la commune de Trélazé) (1). Les associations cultuelles ont dorénavant la possibilité de se doter de l'excroissance d'une association culturelle pour obtenir des financements publics. De même, un tel financement peut être affecté à un lieu de culte "pour [...] le développement touristique et économique de son territoire" (affaire de la construction d'un ascenseur d'accès à la nef et à la crypte de la basilique de Fourvière, à Lyon) (2). Le deuxième contournement est celui des intérêts publics locaux. Les collectivités territoriales pourront prendre des décisions ou financer des projets portant sur des édifices ou des pratiques cultuelles, en déclarant simplement qu'il y va de "l'intérêt public local" : - comme pour l'organisation de cours ou de concerts de musique dans un lieu de culte (affaire Trélazé) ; - pour le rayonnement culturel de la basilique de Fourvière. Il suffirait alors à n'importe quel lieu de culte d'être ouvert quelques heures à des visites touristiques pour bénéficier de financements publics. Le troisième contournement est celui de la légitimation officielle des dérogations apportant des tempéraments à la loi de 1905. Il en est ainsi du bail de longue durée pour une somme symbolique (emphytéotique administratif) fréquemment conclu jusque-là dans l'illégalité par une collectivité territoriale en vue de la construction d'un édifice destiné à un culte qui est définitivement permis. Cette formule ne pourra plus, à l'avenir, faire l'objet de contestation, en l'absence de changement de la loi. Autre "dérogation", celle de l'aménagement sur fonds public d'un abattoir rituel (affaire du Mans) (3). Plutôt que d'exiger des entrepreneurs privés, par ailleurs rétribués par une taxe religieuse à l'abattage à la charge des consommateurs, qu'ils se conforment "aux impératifs de l'ordre public, en particulier de la salubrité et de la santé publiques", le Conseil d'État inverse la responsabilité en acceptant que la collectivité finance un abattage rituel. Enfin, le Conseil d'État reconnaît et accepte la pratique de la mise à disposition d'un local communal pour l'exercice d'un culte (affaire de Montpellier) (4). Toute municipalité pourrait donc créer et mettre à disposition d'un culte une "salle polyvalente à caractère associatif", euphémisme pour offrir un lieu de culte. Cette nouvelle jurisprudence pose problème car elle ouvre des brèches dans la laïcité, en autorisant les collectivités territoriales à financer les cultes. Il devient donc urgent de mettre un terme à ces dérives pour refuser toute entorse à la loi du 9 décembre 1905 ou tout accommodement avec son esprit. Réponse du ministère publiée au JO le 28/08/2012 (5) Par ses cinq décisions du 19 juillet 2011, le Conseil d'État a apporté d'importantes précisions sur la façon dont il convient d'interpréter la loi du 9 décembre 1905 lorsque des collectivités territoriales souhaitent apporter leurs aides à des opérations d'intérêt public local liée à unculte. Le Conseil d'État a rappelé qu'en vertu des dispositions de la loi du 9 décembre 1905, les collectivités publiques peuvent financer les dépenses d'entretien et de conservation des édifices du culte dont elles sont propriétaires (article 13 de la loi) ou accorder leurs concoursaux associations cultuelles pour des travaux de réparation d'édifices cultuels (article 19 de la loi). En revanche, il leur est interdit d'apporter une aide à une association cultuelle régie par le titre IV de la loi du 9 décembre 1905 compte tenu de son objet exclusivement cultuel ou envue d'une opération qui participe directement à l'exercice d'un culte. A. Dans l'affaire de l'orgue de la commune de Trélazé, le Conseil d'État a considéré que la loi du 9 décembre 1905 ne fait pas obstacle à ce qu'une collectivité territoriale participe au financement d'un bien destiné à un lieu de culte (par exemple, un orgue dans une église) dès lors qu'existe un intérêt public local (organisation de cours ou de concerts de musique) et qu'un accord, qui peut prendre la forme d'une convention, encadre l'opération et garantisse une utilisation de l'orgue par la commune conforme à ses besoins et une participation financière du desservant proportionnelle à l'utilisation qu'il fera de l'orgue afin d'exclure toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte. B. Le Conseil d'Etat a également jugé que l'aide apportée par la ville de Lyon pour la mise en place d'un ascenseur facilitant l'accès des personnes à mobilité réduite à la basilique de Fourvière n'est pas contraire au principe d'interdiction d'aide à un culte posée par la loi de1905, même si cet équipement bénéficie également aux pratiquants du culte en cause. Toutefois, le Conseil d'Etat n'a admis une telle possibilité de financement qu'en raison de l'intérêt public local du projet lié à l'importance de l'édifice pour le rayonnement culturel et le développement touristique et économique de la ville et qu'à condition qu'il soit garanti, par exemple par voie contractuelle, que cette participation n'est pas versée à une association cultuelle et qu'elle est exclusivement affectée au financement du projet. C. S'agissant de l'affaire "Commune de Montpellier", le Conseil d'État a rappelé que les dispositions législatives applicables (art. L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales) permettent à une commune d'autoriser, dans le respect du principe de neutralité à l'égard des cultes et du principe d'égalité, l'utilisation d'un local qui lui appartient pour l'exercice d'un culte par une association, dès lors que les conditions financières de cette autorisation excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte. Il a également rappelé qu'une commune ne peut rejeter une demande d'utilisation d'un tel local au seul motif que cette demande lui est adressée par une association dans le but d'exercer un culte mais la commune ne peut laisser ce local de façon exclusive et pérenne à la disposition d'une association pour l'exercice d'un culte. D. En ce qui concerne la conclusion d'un bail emphytéotique administratif entre une collectivité territoriale et une association cultuelle en vue de l'édification d'un édifice du culte, le Conseil d'Etat a considéré que le législateur a permis aux collectivités territoriales de conclure un bail emphytéotique administratif en vue de la construction d'un nouvel édifice cultuel (art. L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales), avec pour contrepartie le versement, par l'emphytéote, d'une redevance qui ne dépasse pas en principe un montant modique, eu égard à la nature du contrat, au fait que son titulaire n'exerce aucune activité à but lucratif et à l'incorporation de l'édifice construit, à l'expiration du bail, dans le patrimoine des collectivités. E. Enfin, s'agissant de l'affaire relative à l'aménagement temporaire d'un local permettant l'exercice de l'abattage rituel, le Conseil d'État a jugé que la loi du 9 décembre 1905 ne fait pas obstacle à ce qu'une collectivité territoriale participe à l'aménagement d'un tel local, afin de permettre l'exercice de pratiques à caractère rituel relevant du libre exercice des cultes, à condition d'une part, qu'il existe un intérêt public local, tenant notamment à la nécessité que les pratiques cultuelles soient exercées dans des conditions conformes aux impératifs de l'ordre public, en particulier de la salubrité et de la santé publiques et d'autre part, que le droit d'utiliser l'équipement soit concédé dans des conditions, notamment tarifaires, qui respectent le principe de neutralité à l'égard des cultes et le principe d'égalité et qui excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte. Par ces cinq décisions, le Conseil d'Etat a rappelé le principe d'interdiction de subventionner les cultes posé par la loi du 9 décembre 1905 tout en soulignant que cette loi contient elle même des dérogations à ce principe et que d'autres législations y apportent des tempéraments. Il ressort de ces décisions que si les collectivités territoriales peuvent prendre des décisions ou financer des projets en rapport avec des édifices ou des pratiques cultuels, elles ne peuvent le faire qu'à la condition que ces décisions répondent à un intérêt public local, qu'elles respectent le principe de neutralité à l'égard des cultes et le principe d'égalité et qu'elles excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte. L'état du droit, comme le montrent ces décisions du Conseil d'Etat, semble permettre aux collectivités publiques et à leurs administrés de vivre une laïcité apaisée. En savoir plus (1) Affaire de l'orgue de la commune de Trélazé - Conseil d'État (2) Le Conseil d'État précise l'interprétation et les conditions d'application de la Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat (3) CE, 19 juillet 2011, Communauté urbaine du Mans, Le Mans métropole (4) CE, 19 juillet 2011, Commune de Montpellier (5) Question posée par M. Jean-Jacques Candelier (député du Nord) à M. le ministre de l'intérieur
Voici le tag Internet à sélectionner, à copier et à coller sans transformation dans la page du site où vous allez utiliser cet article. D'avance merci.
Associations culturelles ou cultuelles pour contourner la loi de 1905 ? Oui, je sais la période est un peu agitée sur ce terrain là... Mais ce qui semblait n'être qu'une petite entorse à la loi de 1905 est en train de devenir une bombe à retardement... Les faits sont simples. Entre 2007 et ... <a href="https://www.loi1901.com/intranet/a_news/index_news.php?Id=1904" target="_blank">Lire la suite sur Loi1901.com</a>
Quand le bénévolat mène en prison
11-11-2025
Encadrer des sportifs est, pour un bénévole, toujours une opération à risques. A fortiori quand le sport pratiqué est admis comme dangereux. Le tribunal a sévèrement jugé deux
Panorama associatif numéro 146 : novembre 2025
Le Panorama associatif de Loi1901 a pour objectif de vous détailler plusieurs mesures qui ne peuvent pas faire l'objet d'un article complet, à l'unité, car trop courtes. Au
Secteur lucratif et non lucratif au sein d'une même association
En règle générale, quand une association développe un secteur lucratif, non prépondérant, au sein de ses activités, c'est pour financer le secteur non lucratif. C'est d'ailleurs à
Vie privée et vie professionnelle : le duo improbable
04-11-2025
Trouver une conciliation équilibrée entre la vie privée et la vie professionnelle est une gageure qu'il est difficile de relever. Ne pas laisser le travail empiéter de façon trop
Patrimoine, associations, collectivités : le trio infernal
Quand une collectivité locale possède un patrimoine intéressant et/ou important, c'est parfois une manne financière mais toujours un budget conséquent pour leur conservation et
Communes versus associations : la grosse fatigue
A l'approche des élections municipales, de nombreux maires sentent que la rassemblement national est en passe de gagner de nombreuses municipalités. En pareil cas, les élus ont
Publication des comptes annuels des associations : la réglementation
28-10-2025
La publication des comptes annuels des associations et des fondations ainsi que le rapport du commissaire aux comptes sont obligatoires dès lors que le montant total des dons
Remboursement de frais : déductions fiscales octroyées aux bénévoles
L'article 200 du code général des impôts octroie la possibilité aux bénévoles, de bénéficier d'une réduction d'impôt lorsqu'ils renoncent au remboursement de leurs frais par
Est-ce bien prudent de rémunérer le président d'une association ?
Pour qu'une association soit jugée non lucrative et donc, à ce titre, exonérée d'impôts commerciaux, elle ne doit pas chercher à reverser les bénéfices réalisés à ses membres et
Quand la concurrence déloyale cache un ancien employé
21-10-2025
Il arrive qu'un salarié qui travaillait dans une association, démissionne ou bien se retrouve licencié. Il décide alors de créer une association concurrente, ayant la même
Deux guides pratiques pour les structures de l'ESS en difficultés financières
Pour les associations comme pour les autres structures de l'ESS, les difficultés de trésorerie constituent souvent le premier signal d'alerte. La situation désastreuse actuelle
102 associations saisissent le HCVA pour atteintes aux libertés associatives
102 associations de 47 départements ont décidé de saisir le Haut Conseil à la Vie Associative pour atteintes délibérées aux libertés associatives. Trop, c'est trop. Après
Chronique d'une mort annoncée : les associations de solidarité
Le principe des vases communicants s'applique lorsque que 2 récipients, contenant un liquide et reliés par un tuyau, équilibrent à la même hauteur le liquide dans chacun d'eux.
Quand l'espace civique se réduit comme peau de chagrin
L'espace civique est le creuset le plus précieux des sociétés démocratiques. L'ONU le définit comme "l'environnement qui permet à la société civile de jouer un rôle dans la vie
Le piratage culinaire ou l'épluche patates connecté : est-ce bien raisonnable ?
14-10-2025
Ce qui est bien avec nos concitoyens, c'est qu'il y a toujours matière à sourire. Même si parfois, ce sourire bienveillant se transforme en rire jaune. Vous souvenez-vous du
Associations : Mobilisons-nous le 11 octobre prochain : rappel
07-10-2025
Ceci est un rappel. Le Mouvement associatif appelle à une journée de mobilisation de l'ensemble du monde associatif le 11 octobre 2025. Rassemblant, au travers de ses membres,
Quand le jaune budgétaire raconte l'histoire des associations
30-09-2025
Quelles sont les associations subventionnées ? Pour quel montant ? Pour quel motif ? Pourquoi de telles différences entre certaines associations qui officient dans le même secteur
France : ta démocratie dévisse
23-09-2025
La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) vient de rendre un avis qui fait froid dans le dos. L'espace civique fond comme neige au soleil en France.
Délégation de signature ou bien délégation de pouvoirs ?
16-09-2025
Comment distinguer la délégation de signature de la délégation de pouvoirs ? Dans le premier cas, le représentant légal (nommé le délégant) se borne à charger une personne (nommé
Etat de droit égal droit de manifester
09-09-2025
Hier matin, je me promenais dans un jardin public quand j'ai entendu des rires. Je me suis approché et j'ai vu cinq jeunes gens assis sur un banc. L'un d'entre eux avait un petit
Quand l'ESS veut enfin devenir adulte
Depuis 2014, date de la promulgation de la loi ESS, l'économie sociale et solidaire a marqué son territoire par quelques avancées ponctuelles, mais sans véritable impulsion
Baromètre DJEPVA : une jeunesse engagée est une jeunesse heureuse
Le baromètre annuel sur la jeunesse est réalisé chaque année par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CRÉDOC) sous la publication de la
Le forum mondial de l'ESS à Bordeaux du 29 au 31 octobre 2025
Créé en 2013, Le GSEF (Global Forum for Social and Solidarity Economy) est une vaste organisation internationale de gouvernements locaux et de multiples réseaux de la société
Cour des comptes : le déficit de visibilité et de notoriété de l'ESS
L'économie sociale et solidaire (ESS) désigne un mode d'entreprendre qui concilie activité économique et utilité sociale, solidarité et coopération, démocratie et primauté de
Interroger le pilotage par l'État de la politique de la lutte contre la pauvreté
Selon un récent rapport de la Cour des Comptes, en 2023, le taux de pauvreté s'établissait, en France, à 15,4 %, en dessous de la moyenne de l'Union Européenne à 16,2 %, mais sans
Cour d'appel et tribunal administratif : deux poids deux mesures
Deux très récentes décisions de justice, envers des actions entreprises par des associations, laissent l'observateur judiciaire que je suis, très dubitatif. Il semble,
Vie associative : Bilan 2023-2024
Pendant la pandémie, les associations ont répondu présentes et même beaucoup plus. Elles ont inventé des nouveaux modes de relations, grâce notamment aux outils numériques. En
Financement associatif : le rapport complet sur la situation
La revue des dépenses publiques en direction des associations vient de publier un rapport qui est la première évaluation réelle et concrète de l'ensemble des dépenses de l'État,
Santé financière des associations : enquête nationale volet 2
Du 19 février au 12 mars 2025, le Mouvement Associatif a lancé le volet 1 de sa grande enquête : "santé financière de votre association". Le constat était pour le moins alarmant.
Quand trop, c'est trop ça ne tient plus
La présidente du Mouvement associatif, Claire Thoury, a appelé, par courrier en date du 3 septembre, les associations à se mobiliser dans un mouvement de protestation prévu pour