Il y a quelqu'un pour rallumer la lumière ?

22-11-2011  LIBRE
Si le chandelier a tendance à disparaître, avoir recours à une seule bougie n'est pas nécessairement le moyen le plus efficace pour essayer de faire la lumière... C'est pourtant ce qui nous arrive. Depuis plusieurs mois, nous sommes noyés par un torrent d'informations que charrie la crise financière et il faut bien le dire, on se sent totalement impuissant. Dans cet article, le lien avec la vie associative ne se découvrira qu'à la fin de sa lecture. Sans doute dans l'espoir secret que vous le lisiez tous jusqu'à son terme...

Trop, c'est trop. La France est en faillite, pour la sauver, il faut encore et toujours faire des économies. Le discours est bien rôdé et les chiffres nous aident à comprendre ce que notre manque d'intelligence masquerait volontiers.

On comprend bien que cela se joue sur des centaines de milliards d'euros. Ce que l'on comprend moins bien, c'est que la dette publique de la France était en 2003 de 1 000 milliards d'euros et que ce n'était pas un drame. Qui, en 2003, connaissait l'existence des agences de notation ?

Aujourd'hui, il semble que la dette soit de 1700 milliards d'euros. Rapporté aux 65 millions de français, cela représente 26 000 euros par tête de pipe. C'est pas si tant, comme dirait mon fils...

Est-il raisonnable de contraindre tout un pays à la diète forcée pour une dette de 26 000 euros par habitant ? On a bien compris que des spéculateurs ont intérêt à ce que le remboursement de la dette nous coûte le plus cher possible pour que cela leur rapporte davantage.

Mais on a aussi compris que c'est le moment tant attendu par de nombreux revanchards, pour abattre définitivement les services publics et livrer le pays tout entier à la loi d'une jungle beaucoup plus dangereuse que celle qui abrite de vrais crocodiles. Pour mieux le comprendre, il faut faire un petit retour en arrière...

Un peu d'histoire...
En 1995, fraîchement élu, Chirac disait : "la priorité, c'est la réduction des déficits. Il faut arriver à l'équilibre dans 2 ans". Résultat, de 1995 à 1997 la dette publique est passée de 55,5% à 59,5% du PIB.

En 2005, Thierry Breton, ministre des finances sous Raffarin, prenait l'engagement de réduire la dette pour amener le budget à l'équilibre en 5 ans. Résultat, entre 2002 et 2007, la dette publique de la France s'est envolée pour passer de 912 milliards à 1211 milliards.

Notre dernier président qui n'est responsable de rien, disait lui, en 2007 : "L'objectif, c'est de ramener la dette au-dessous de 60% du PIB en 5 ans. Ce qui fera de la France, le pays le plus vertueux de la zone euros." On connait la suite. Depuis 2007, la dette a augmenté de 500 milliards d'euros.

Pourquoi la dette augmente ?
Oui, pourquoi ? Car enfin, il y a bien une raison. Ne pas oublier que chaque discours vertueux sur la limitation de la dette s'accompagnait d'un véritable coup de rabot sur la protection sociale, les services publiques, etc ainsi que d'une longue série de privatisations afin de "renflouer" les caisses de l'Etat. Or, la dette augmente toujours...

Est-ce un mystère ? Non. La dette augmente parce que les impôts et autres prélèvements baissent pour une certaine catégorie de citoyens et un très grand nombre d'entreprises.

Le nombre de niches fiscales est passé d'environ 418 en 2003, à 468 en 2010. La mission de la commission des finances chiffre elle à 509 le nombre réel de niches fiscales en France. Cela représente un manque à gagner pour l'État de 80 à 100 milliards d'euros par exercice.

Plus grave encore, comme l'a établi un précédent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, les grands groupes industriels sont les grands gagnants de ce système. Leur taux réel d'imposition n'est pas de 33 % mais de 13 %, ce qui place la France au même niveau que l'Irlande qui a adopté une fiscalité très favorable pour attirer les grands groupes internationaux. Un chiffre rarement mentionné par le Medef...

En revanche, les petites entreprises, peu familières du dédale fiscal français, sont imposées en moyenne à hauteur de 30 %.

Et les associations dans tout ça ?
La semaine dernière, le député Carrez a souhaité faire passer un amendement sur les dons reçus par les associations assimilant ces derniers à une niche fiscale.

Face à la mobilisation immédiate et efficace de tous les acteurs clés du secteur associatif(1), le gouvernement a assuré qu'il s'opposerait à l'amendement déposé en catimini dans la nuit du 9 au 10 novembre par Gilles Carrez, rapporteur de la commission des finances à l'Assemblée nationale et un groupe de députés de droite et de gauche. Dont acte.

Mais, les associations doivent s'interroger sur ce que signifie la déduction fiscale sur un don :

- Cette déduction fiscale est injuste, car elle ne bénéficie qu'à ceux qui payent des impôts, or toutes les enquêtes prouvent que ce sont les plus démunis qui donnent le plus. C'est inacceptable.

- Accepter le don défiscalisé, c'est cautionner la privatisation rampante de toute la société, c'est accepter que l'Etat se désengage, c'est de ce fait revenir au 19ème siècle qui voyait les dames patronesses s'occuper des œuvres sociales, avant la loi de 1901 et celle de 1905 sur la séparation de l'église et de l'Etat. J'en veux pour preuve le document publié par la congrégation pour le clergé en décembre 2007 qui recommande de réintroduire les dames patronesses, affirmant que "celles-ci peuvent être une source de maternité spirituelle".

- Accepter le don défiscalisé, c'est ne pas vouloir comprendre que cela participe d'une idéologie précise qui se moque comme d'une guigne de la pauvreté et de la misère, tout simplement parce qu'elle en est largement responsable. Comment accepter que l'Etat baisse les subventions d'un côté tout en acceptant de perdre des rentrées fiscales de l'autre ? Tous les chiffres prouvent que la défiscalisation coûte aussi cher à l'Etat que ce que lui coûtaient les subventions.

Alors, oui nous pensons, même si nous sommes à contre courant, que les associations doivent s'interroger sur ce qui se cache derrière un don défiscalisé. Les associations, elles en ont les moyens, doivent obliger l'Etat à revenir à son rôle premier qui a toujours été, depuis la loi de 1901, d'aider les associations à gérer des situations de crise que lui, Etat, n'a pas les moyens de guérir aussi vite.

Sans cela, nous marcherons tous sur la tête...

En savoir plus
(1) Selon nos informations, ce ne sont pas les acteurs clés du secteur associatif qui ont fait reculer le gouvernement, mais les banques ! En effet, celles-ci sont montées au créneau pour défendre la défiscalisation des dons qui rapporte visiblement beaucoup d'argent à ces dernières...



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