L'électricité verte comme une pastèque

17-05-2022 SOCIETE LIBRE
L'objectif d'une pastèque est, outre d'être délicieuse, de tromper son monde. Oh, bien malgré elle. Mais Citrullus lanatus (son petit nom), une espèce de plantes herbacées de la famille des Cucurbitacées, offre le vert pour l'oeil et le rouge pour le goût. Peut-on comparer un fournisseur d'électricité à une pastèque ? Comparaison n'est pas raison, électricité verte n'est pas nécessairement écologique. Bref, peut-on parler de tromperie sur la marchandise ?

En effet, quel fournisseur d'électricité n'affiche pas à son catalogue la verte origine de son mégahertz ?

C'est très tendance le vert en ce moment, alors raison de plus pour attirer le chaland. Officiellement, une offre verte permet au client, qui a souscrit ce type de contrat, d'être alimenté en électricité d'origine renouvelable. Celle-ci peut être produite par des éoliennes, des panneaux photovoltaïques, des barrages hydroélectriques, de la géothermie ou encore avec une énergie issue de la biomasse (bois, gaz de décharge, gaz de stations d'épuration d'eaux usées, biogaz, etc.). Jusqu'à là, tout va bien.

On voit donc fleurir partout des slogans nimbés de chants d'oiseaux dans la douce lumière d'un soleil matutinal. Pourquoi pas si l'illustration sert le message : "Avez-vous envie de contribuer à la transition énergétique en toute simplicité ?". Répondre non à une telle invitation serait faire preuve d'une goujaterie certaine, d'autant plus si c'est simple. C'est un peu comme si l'on nous demandait : "Aimez-vous la paix ?".

Ce qui est étonnant dans cette histoire, c'est que l'on découvre que ces fournisseurs plus verts que vert achètent leur électricité chez EDF. Or en France, plus de 67 % de la production d'électricité est d'origine nucléaire, qui ne peut donc pas être incluse dans les offres vertes. Mais alors comment peuvent-ils tous nous proposer du mega-vert ?

L'astuce est à la fois simple et complexe. Une offre est dite "verte" si le fournisseur peut garantir qu'une quantité d'électricité d'origine renouvelable équivalente à la consommation des clients de cette offre a été injectée sur le réseau. Vous me suivez ? Pour prouver qu'une quantité équivalente d'électricité verte a été injectée sur le réseau, le fournisseur doit obtenir une GO (Garanties d'Origine), autrement dit une certification.

Ces Garanties d'Origine assurent, au niveau européen, la traçabilité administrative de l'électricité verte. Cela se présente sous la forme de certificats électroniques délivrés aux producteurs proportionnellement à la quantité d'électricité produite à partir de sources d'énergies renouvelables. C'est la société Powernext devenu EEX qui assure la délivrance, le transfert et l'utilisation des GO au Registre National des Garanties d'Origine.

Il est important, à ce stade de notre histoire, de connaître un détail significatif : "Les Garanties d'Origine peuvent être échangées indépendamment de l'électricité qu'elles certifient". Et c'est bien sûr tout à fait légal. Vous commencez à sentir le doute monter en vous ? Attendez, ce n'est pas terminé. Il est bien sûr impossible, comme la physique nous l'enseigne, de déterminer la provenance de l'électricité livrée à un client X. En effet, c'est la même électricité qui est livrée à tous les clients raccordés au réseau électrique français, quels que soient les fournisseurs et les offres.

Vous commencez à comprendre ? Comme Monsieur Jourdain fait de la prose sans le savoir, vous consommez déjà de l'électricité verte en l'ignorant. Et ce, tout simplement parce que l'électricité consommée en tout point du réseau français contient le même pourcentage d'électricité verte. Pour l'année 2018, la part "verte" dans la consommation totale d'électricité en France a été de 22,7% (Electricité renouvelable à la date du jour par RTE).

Mais alors, allez-vous me dire, pourquoi changer de fournisseur ? En voilà une question qu'elle est bonne. Depuis l'ouverture totale à la concurrence des marchés français de l'électricité (01-07-2007), les consommateurs peuvent choisir librement leur fournisseur d'énergie.

Il y a l'électricité sous "tarif réglementé" (sauf pour les professionnels, collectivités ou associations employant 10 personnes ou plus ou avec un CA supérieur à 2 millions d'euros) qui ne peut être proposée que par les fournisseurs historiques (EDF et les 162 entreprises locales de distribution) et les "offres de marché" dont les prix sont fixés librement par les fournisseurs.

Et c'est là où se cache l'astuce. Pour un fournisseur privé, son intérêt est de faire sortir le client du "tarif réglementé" pour l'attirer vers les "offres de marché" dont les tarifs échappent à la main de l'Etat. Et une fois sorti du "tarif réglementé", y revenir est très compliqué voire impossible. Légalement, il est possible de revenir dans le "tarif réglementé" à la condition que la puissance souscrite ne dépasse pas 36 kVA.

Cela semble donc tout à fait possible puisque la puissance moyenne pour une surface toute électrique d'un logement de 100 m² est de 9kVA. Mais tout est fait pour empêcher une marche arrière, je dis bien : tout. Vous voilà prévenu. Votre électricité est déjà verte (à hauteur de 22,7%) même si vous êtes chez EDF. Passer chez un concurrent qui vous promet du vert plus vert que vert n'est donc qu'une illusion puisqu'il ne vous donnera pas un seul hertz vert de plus que EDF.

Pour finir, comme tout le monde, vous avez vu les tarifs de votre facture d'électricité augmentés au nom du coût de la transition énergétique (hors crise actuelle). Une transition qui a bon dos. La réalité est beaucoup moins "verte" là aussi. Pour ouvrir définitivement le marché à la concurrence, la Commission européenne souhaite niveler les prix de vente de l'électricité par le haut pour permettre aux fournisseurs danois et allemands de concurrencer EDF qui vend une électricité beaucoup moins cher.

Nous subissons donc une double peine : celle d'avoir payé avec nos impôts nos centrales nucléaires qui nous assuraient une électricité bon marché et supporter une hausse qui n'a d'autre objet que de permettre l'entrée de la concurrence sur le marché français. Vous pensez que l'on marche sur la tête ? Vous n'êtes pas le seul.



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