Les candidats à l'élection présidentielle passent beaucoup de temps à pondre des petites phrases inutiles qui font le buzz quelques heures, à brandir des annonces budgétaires et autres opérations de communication destinées à amuser la galerie comme des gamins dans une cour de récréation, opérations à très courte vue qui donnent l'impression que pendant ce temps là, il ne se passe rien en France. Le 6 mars, dans l'après-midi, les députés ont adopté la proposition de loi sur la "protection de l'identité". De quoi s'agit-il ? Cette loi vise à instituer un dispositif inédit d'encartement de la totalité des citoyens français par la mise en place d'une nouvelle carte nationale d'identité biométrique. Le texte repose sur deux axes : - d'un côté, une carte d'identité qui sera lestée d'une puce électronique dite régalienne (1) destinée à valider l'identité du porteur, - de l'autre, une base centrale, commune aux passeports biométriques et aux cartes nationales d'identité. Enfin, pourra s'y ajouter une puce optionnelle pour sécuriser les transactions en ligne. Cela pourrait s'arrêter là, ce qui est déjà beaucoup. Mais, la proposition va bien plus loin encore... Le dispositif prévoit aussi la constitution d'une base centralisée : le fichier TES pour Titres Électroniques Sécurisés (2), dans lequel seront notamment conservées les données biométriques de chaque titulaire de la nouvelle carte. Enfin, la proposition de loi prévoit l'exploitation des données dactyloscopiques (3) contenues dans cette base centralisée à des fins de police judiciaire, dans des limites fixées par le législateur : notamment sur réquisition judiciaire dans le cadre de recherches relatives à la fraude identitaire. Le texte complète la répression du délit d'usurpation d'identité mise en œuvre par la LOPPSI (4). Aucun débat sur les libertés publiques et des avis contraires écartés Ce fichage biométrique généralisé de la population française soulève d'importants problèmes dont certains font clairement polémique et dont on s'étonne qu'ils n'aient pas davantage attiré l'attention dans le débat public tant les enjeux en termes de libertés publiques sont importants précise le Monde daté du 6 mars 2012. Projet de loi nécessaire ou prétexte au fichage ? Officiellement, il s'agit de remédier de toute urgence au phénomène des usurpations d'identité qui revêtirait actuellement une ampleur considérable. Soit. Le problème, c'est que personne ne peut prouver l'importance quantitative de ces usurpations d'identité. Le ministère de l'Intérieur lui même est dans l'incapacité de fournir des données précises en la matière. Les seuls chiffres disponibles sont ceux que délivre la Police aux frontières. Cette dernière a constaté, pour l'année 2010, 651 cas d'usages frauduleux de cartes d'identité. Comme on le voit, il y avait urgence à ficher 60 millions de français !!! L'histoire du fichage en France, y compris la plus récente, est pleine de détournements de finalité. Les risques de voir, dans un avenir très proche, ce fichier être quotidiennement utilisé par les services de police (et sans réels contrôles) à des fins de lutte contre la délinquance et dans une logique faisant de chaque citoyen un suspect potentiel sont évidents. De plus, on sait parfaitement que l'accès aux fichiers informatisés par des policiers peu scrupuleux, permet de "vendre" des informations privées à des officines plutôt douteuses...plus de 270 affaires recensées en 2010. Enfin, la puce facultative pour le commerce électronique n'est pas anodine. La CNIL souligne qu'il existe en la matière des dangers significatifs car cette puce rend possible "la constitution d'un identifiant unique pour tous les citoyens français ainsi que la constitution d'un savoir public sur les agissements privés" (5). Bref, plutôt que d'écouter des candidats nous faire des propositions stupides et inutiles sur l'avenir de la viande halal, il semble urgent de se préoccuper rapidement de notre avenir, qui risque sans cela de faire passer "Big Brother" pour un démocrate sympathique... En savoir plus (1) Puce électronique dite régalienne : puce électronique sécurisée contenant les données d'état civil du propriétaire de la carte. On trouvera en données chiffrées le nom de famille, le ou les prénoms, le sexe, la date et le lieu de naissance du demandeur, l'adresse, la taille et la couleur des yeux du porteur de la carte, la photo, et les empreintes digitales de 8 doigts (le taux d'erreur, à l'échelle de la population française est de 4 % avec 2 doigts et de seulement 0,16 % avec 8 doigts). (2) Le Sénat a rejeté par 340 voix contre 4 l'amendement déposé par Claude Guéant pour établir un « lien fort » entre données biométriques et base centralisée TES (Titres Électroniques Sécurisés). Extrait du discours du rapporteur du projet au Sénat : "A l'instant « T », je n'ai pas de crainte. Mais nous ne pouvons pas laisser derrière nous, démocrates soucieux des droits protégeant les libertés publiques, un fichier que dans l'avenir, d'autres, dans la configuration d'une histoire dont nous ne serons plus les écrivains, pourront transformer en outil dangereux et liberticide. Toujours dans le déroulement de l'histoire, nous aurions laissé possible la métempsychose perverse d'une idée protectrice. Que pourraient alors dire les victimes en nous visant ? Ils avaient identifié le risque et ne nous en ont pas protégé. Monsieur le ministre, je ne veux pas qu'à ce fichier, ils puissent alors donner un nom : le vôtre, le mien ou le nôtre." Philippe Goujon, député rapporteur de la proposition de loi, a indiqué que le lien fort devrait être néanmoins rétabli dès la fin du mois de mars 2012 par l'Assemblée nationale, qui aura le dernier mot car il n'y aura pas d'accord en commission mixte paritaire. (3) Les données dactyloscopiques : cela concerne la numérisation des empreintes digitales. Déjà en 2008, la CNIL avait refusé les dispositifs biométriques de reconnaissance d'empreintes digitales à des fins de contrôle d'accès (et de présence des élèves) des établissements scolaires. De manière générale, la CNIL restreint l'utilisation biométrique des empreintes digitales dans les entreprises, qui n'est acceptée qu'en présence de fort impératif de sécurité lorsque les empreintes sont stockées sur un système informatique central. En effet, la CNIL indique qu'il est facile de prélever à l'insu de la personne concernée ses empreintes digitales, et donc d'usurper son identité. Ceci est d'autant plus facile si les empreintes sont stockées dans des bases de données, vulnérables à l'indiscrétion éventuelle d'employés ou au piratage informatique. (4) La loi d'orientation et de programmation sur la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2) a été adoptée par le parlement le 8 février 2011. Voir la loi dans sa totalité sur le site de l'Assemblée Nationale (5) Note d'observations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés concernant la proposition de loi relative à la protection de l'identité
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