Après la Croix rouge, référence de l'action humanitaire s'il en est, qui s'est rendue coupable de 3 800 infractions à la législation sur le temps de travail en 2014 au sein de son siège parisien, c'est au tour de l'association Emmaüs de franchir le Rubicon de l'inacceptable. Usage abusif et permanent de contrats précaires, exploitation des compagnons, sous-effectif chronique dans les services, plannings déshumanisants, inégalité des rémunérations, disparité des statuts, usure professionnelle, management par le stress... Au delà des faits très graves relevés, il faut reconnaître que le mouvement créé par l'abbé Pierre en 1949 ne semble plus du tout être en phase avec la mission que lui avait confiée l'homme au béret. Mais comment est-on passé de la politique d'accueil inconditionnel d'Emmaüs, qui a toujours accepté toute personne sans se soucier des conditions de nationalité ou de niveau social, à une sélection drastique basée sur l'intérêt que représente pour la communauté accueillante, les diplômes ou autres compétences (permis poids-lourd ...), indispensables sésames pour un toit et une maigre pitance ? Pris entre le marteau et l'enclume, et comme beaucoup de structures de lutte contre la précarité, Emmaüs a dû se "professionnaliser" à la va-vite, entre 2002 et 2007 sous la présidence d'un certain Martin Hirsch. L'homme n'est pas mauvais, mais est-il bon ? Il est à l'origine du Revenu de solidarité active (RSA) dont on sait aujourd'hui à la fois les méfaits et les limites... Lorsqu'il en prend la présidence en 2002, il n'a qu'une obsession : réformer, réformer et encore réformer. Ses méthodes de management sont profondément contestées en interne et l'association est alors au bord de l'implosion. Malgré les très fortes oppositions, il parvient à mettre en place une nouvelle organisation qui repose sur un regroupement en 3 branches réparties selon le type d'activité : - La branche communautaire, - La branche action sociale et logement, - La branche Économie solidaire et Insertion. C'est la branche communautaire qui souffre le plus de cette réorganisation. Avant les changements, les communautés étaient regroupées en sept fédérations indépendantes et libres de leur fonctionnement. Est-ce cette liberté qui gênait ? Toujours est-il qu'à partir de 2008, la réforme porte ses fruits et entraîne la disparition de ces fédérations et leur fusion au sein de la branche communautaire. Mais ce qui était accepté par les compagnons, parce qu'étant l'oeuvre du "vieux", passe mal avec la nouvelle réorganisation. De nombreux compagnons commencent à exiger la reconnaissance d'un statut de travailleur au sein de la structure. En 2007, Martin Hirsch quitte la présidence du mouvement pour entrer dans le gouvernement Fillon en tant que Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la Jeunesse. Il est celui que Nicolas Sarkozy a choisi pour mettre en place le RSA. Il en profitera pour rajouter, dans la loi RSA, un chapitre relatif au "statut des personnes accueillies dans des organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires". Ce statut, unique en France, autorise les organismes concernés à faire participer ces personnes à des activités d'économie solidaire afin de favoriser leur insertion sociale et professionnelle. Mais dans les faits, il empêche de considérer les compagnons en tant que salariés au motif qu'il n'existerait pas dans ce type de relation de "lien de subordination" nécessaire à l'établissement d'un contrat de travail. De fait, les députés qui votent ce texte dans la foulée du RSA, ne se rendent pas compte que ce nouveau statut juridique est un frein à la réinsertion sociale des compagnons d'Emmaüs et qu'il les bloquera dans un espace clos, entre exclusion totale et réinsertion très partielle, alors même qu'une bonne partie d'entre eux exercent une réelle tâche professionnelle à finalité économique. Et le résultat ne se fait pas attendre, les "compagnons" qui gagnent un "pécule" de 200 euros par mois pour 40h par semaine travaillent dans des conditions indignes d'une société avancée. Ils sont certes logés, mais sans contrat de travail, le toit devient un piège en cas de réclamation. L'expulsion est la règle contre tous ceux qui "demandent", plus qu'ils n'exigent, une amélioration de leur situation. Dès leur création, les communautés d'Emmaüs ont souhaité être autosuffisantes et ne recevoir aucune subvention de fonctionnement. La réalité est un peu différente... Un compagnon ne coûte quasiment rien à la communauté accueillante. La chambre mise à sa disposition est payée par une allocation logement versée par la CAF, les denrées pour les repas sont données par les banques alimentaires et les vêtements par les bénévoles... Voici la définition de l'esclavage "moderne" : "Un esclave est un individu privé de sa liberté ou d'une partie de celle-ci par les règles en vigueur dans le pays et l'époque considérés. Il est un instrument économique sous la dépendance d'un maître et ne bénéficie pas d'une personnalité juridique propre." En savoir plus La vidéo du reportage Spécial investigation : "Emmaüs le business de la misère" diffusée le lundi 15 Juin 2015 sur Canal+ a été retirée de Youtube. On nous a expliqué que cela était consécutif à la mise en place de la nouvelle direction de Canal+. Dont acte !
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Et Emmaüs inventa les compagnons esclaves Après la Croix rouge, référence de l'action humanitaire s'il en est, qui s'est rendue coupable de 3 800 infractions à la législation sur le temps de travail en 2014 au sein de son siège parisien, c'est au tour de ... <a href="https://www.loi1901.com/intranet/a_news/index_news.php?Id=2321" target="_blank">Lire la suite sur Loi1901.com</a>
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