Nous sommes le 17 février 1951 à Paris. Dans la rue, c'est comme un fleuve où le tricolore émerge avec peine, de la brume noire du deuil. Il y a des lilas partout, des couronnes mortuaires sur toute la largeur de la rue avec des bandeaux truffés de "camarade", "amis", "frère". Partout des mines tristes, un ruban de larmes et de fleurs qui s'étire jusqu'au cimetière du Père-Lachaise. Ils sont plus d'un million à accompagner Ambroise Croizat jusqu'à son éternel repos. Ce fondateur de la Sécu qui disait, à propos de son invention : "Ne parlez pas d'acquis. En face, le patronat ne désarme jamais." Ambroise Croizat est né le 28 janvier 1901 à Notre-Dame-de-Briançon, en Savoie. Son père, Antoine, est manoeuvre. Douze heures par jour à enfourner des bidons de carbure pour huit sous de l'heure. A peine le prix du pain. Germinal est d'actualité. Accidents de travail quotidiens, pas de Sécu, pas de mutuelle, pas de retraite. On est vieux à 35 ans si la guerre n'a pas fait sa moisson avant. L'espoir, c'est Antoine, le père qui l'incarne. En 1906, il lance la première grève en Savoie. Une grève pour vivre, pour être digne. Dix jours de bras croisés pour la reconnaissance du syndicat et de la caisse de secours. Une grève pour le droit à la santé, tout simplement. Mais, de grève en grève, la famille Croizat doit fuir pour éviter les coups ou plus. L'errance les conduit vers la région lyonnaise. C'est là qu'Ambroise Croizat prend le relais du père qui part vers les tranchées de la guerre de 1914. A treize ans, Ambroise Croizat est ajusteur. Il commence à militer par une manifestation contre la la guerre. Il adhère à la CGT puis à la SFIO. A dix-sept ans, il est sur tous les terrains de lutte. Il entre au PCF en 1920. On le voyait partout, dit un témoin d'époque, devant les usines, au cour d'une assemblée paysanne ou d'une cellule de quartier. Il était là dans son élément, proche des gens, proche du peuple d'où il venait. En 1927, Ambroise Croizat est secrétaire à la fédération des métaux CGTU. Commence un long périple en France, où il anime les grèves de Marseille et de Lorraine, les comités de chômeurs de Lille ou de Bordeaux. La crise économique est à cette époque terrible en France. Et sur le terreau de la misère germe le fascisme. "S'unir, plus que jamais s'unir, pour donner à la France d'autres espoirs" disait-il. Pain, paix, liberté, l'heure du Front populaire a sonné. En 1936, Ambroise est élu député de Paris. Il impose la première loi sur les conventions collectives et donne aux accords Matignon la couleur des congés payés et des quarante heures. Mais la guerre se prépare déjà. Et la défaite aussi avec son cortège de collaborateurs. Dans certains salons se murmure le désormais célèbre : "Mieux vaut Hitler que le Front populaire." Ambroise Croizat est arrêté le 7 octobre 1939, avec d'autres députés communistes(1). Il est incarcéré à la prison de la Santé. Fers aux pieds, il traverse quatorze prisons françaises avant de connaître les procès truqués, la déchéance de ses droits civiques et les horreurs du bagne à Alger où il apprendra, entre les coups, les cris et la dysenterie, à Prosper Môquet, arrêté comme lui, la mort de son fils sous les balles allemandes. Il ne sera libéré qu'en février 1943. Il est alors nommé par la CGT clandestine, à la commission consultative du gouvernement provisoire d'Alger. Là, mûrissent les rêves du Conseil national de la Résistance et les grandes inventions sociales de la Libération. La sécurité sociale, bien sûr, dont Ambroise dessine les premières moutures dès la fin 1943. Reste à bâtir l'idée. Le chantier commence en novembre 1945 quand il entre au ministère du Travail. En 2 ans, 138 caisses de sécurité sociale sont édifiées par des anonymes d'usine après leur travail ou sur leurs congés payés. Car il ne suffisait pas de faire voter une loi. Il fallait partout et très vite, mettre en place des guichets pour récupérer les premières feuilles de soins. Très souvent, il s'agissait de simples tentes plantées à la sortie des usines. De 1945 à 1947, celui que l'on surnomme le "ministre des travailleurs" abat un travail considérable avec des lois sur : > la généralisation des retraites, > un système de prestations familiales unique au monde, > les comités d'entreprises, > la médecine du travail, > le statut des mineurs, électriciens et gaziers, > les classifications de salaires, > la caisse d'intempérie du bâtiment, > la loi sur les heures supplémentaires, etc. Un ouvrier en larmes lors de l'enterrement de Croizat à Paris : Ambroise Croizat nous a apporté tout ce qui te rend digne et qui te débarrasse des angoisses du lendemain.
En savoir plus (1) C'est la signature en août 1939 du pacte germano-soviétique qui permettra en septembre au président du Conseil Daladier, de dissoudre le Parti communiste. Les élus communistes sont déchus de leur mandat et arrêtés avec des milliers de militants. En avril 1940, le décret Sérol va instaurer la peine de mort pour propagande communiste.
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La croisade de Croizat Nous sommes le 17 février 1951 à Paris. Dans la rue, c'est comme un fleuve où le tricolore émerge avec peine, de la brume noire du deuil. Il y a des lilas partout, des couronnes mortuaires sur toute la largeur de la rue ... <a href="https://www.loi1901.com/intranet/a_news/index_news.php?Id=2568" target="_blank">Lire la suite sur Loi1901.com</a>
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