Le centenaire de la loi sur la Séparation des Églises et de l etat

12-01-2005
Suite à notre parution la semaine dernière du premier épisode de l’histoire de la loi de 1905, nous avons reçu de la part de Monsieur Maurice Gelbard (qui fait autorité en la matière) cette analyse de la génèse de cette loi.

L’actualité nous parle beaucoup de la loi de séparation des Églises et de l’État. On en a dit tant de choses qu’il faut en préciser un certain nombre.

1° Ce n’est pas une loi sur la laïcité. Ce mot emblématique n’a été prononcé que deux fois au cours des 48 séances qu’ont duré les débats à la Chambre des députés. La laïcité de l’État a commencé avec la Révolution française par la laïcisation de l’État civil , la laïcisation de l’enseignement à partir de 1882 en est une suite.

Mais il y a eu bien d’autres événement, par exemple :
1. suppression de l’aumônerie militaire instituée en 1874 (8 juin 880) ;
2. suppression, fonctionnaires exceptés, du repos dominical institué en 1814 (12 juillet 1880), remplacé en 1906 par le repos hebdomadaire;
3. allégement des honneurs militaires rendus au saint sacrement;
4. suppression des prières publiques a rentrée des Chambres (14 août 1884), de la messe du Saint Esprit - présence obligatoire - à la rentrée des Cours et des Tribunaux (14 décembre 1900) ;
5. loi municipale du 5 avril 1884 et ses incidences religieuses;
6. loi Naquet rétablissant le divorce 27 juillet 1884) ;
7. loi sur la liberté des funérailles et l’appréciation des dernières volonté les défunts (15 novembre 1887) ;
8. loi sur le monopole des inhumations enlevé aux fabriques (28 décembre 1904);
9. lois militaires de 15 juillet 1899 et 24 mars 1905 (”les curés sac au dos”);
10. suppression du traitement des aumôniers des hôpitaux et hospices relevant de l’Assistance publique (1883) laïcisation progressive, de 1878 à 1891, des hôpitaux de Paris;
11. suppression des religieuses infirmières dans les hôpitaux de la Marine (11 novembre 1903), puis dans tous les hôpitaux militaires (1er janvier 1904) ;
12. circulaire du ministre de la Justice ordonnant l’enlèvement des crucifix dans les prétoires de tous les tribunaux (1er avril 1904)...

La revendication de la séparation des Églises et de l’État, qui avait existé de 1794 à 1801, a été reprise par Gambetta et les républicains en 1869. Ce dernier n’en a rien fait quand il a été président du conseil. C’était un ”opportuniste”, favorable aux réformes ”opportunes”, et il pensait que le moment n’en était pas venu.

A partir de 1876, ses amis politiques réclamèrent la séparation des Églises et de l’État. A cette époque déjà, pour qu’une loi fut adoptée, le gouvernement devait déposer un projet, ou des parlementaires devaient prendre l’initiative d’une proposition :
1. qui aurait dû être être ”pris en considération” par la Chambre pour qu’une commission soit nommée pour l’examiner.
2. Cette commission aurait dû rédiger et déposer un rapport concluant ou non à la nécessité du texte. Rapport qui n’était parfois pas rédigé, ou même la commission ne se réunissait pas.
3. Enfin, la Chambre votait, ou non, ”la discussion”.

Le Gouvernement pouvait intervenir pour influencer les décisions . Les députés pensèrent qu’il était plus simple de demander la suppression du budget des cultes ; ce qu’ils firent pendant près de trente ans lors des discussions budgétaires. Depuis 1801, le culte était, de par le Concordat, un service public dont le budget était voté. Cette obligation faisait défendre ce budget par le président du conseil quel que soient ses sentiments.

Ainsi, en 1887, M. Goblet, pourtant favorable à la séparation, déclarait, en grand homme d’État :

[ ... ] Et permettez-moi de vous faire cette simple observation. Le jour où vous auriez supprimé par voie budgétaire, si vous pouvez y parvenir, le budget des cultes, est-ce que vous auriez supprimé le service des cultes ? Est-ce que vous auriez supprimé les cultes ? Est-ce que vous empêcheriez que la majorité de ce pays ne tint encore à l’existence des cultes ? [ ... ] Il y a beaucoup de membre de cette majorité [ ... ]; je parle de cette majorité du pays [ ... ]; qui, [ ... ], se compose de gens qui pratiquent la religion catholique, mais qui n’en sont peut-être pas plus catholique pour cela[ ... ]. Mais pouvez-vous empêcher qu’ils ne tiennent à faire consacrer par la religion, par les prêtres, les principaux événements de leur existence ? (Nouvelles interruptions sur les mêmes bancs)
[ ... ] Est -ce que vous pouvez empêcher que la majorité dans ce pays tienne encore à faire appel aux ministres du culte pour le baptême de l’enfant, pour le mariage, pour les enterrements? (Interruptions à gauche.) [ ... ] Dès lors, il ne vous suffit pas de supprimer le budget des cultes; il faut que d’une autre manière vous organisiez la liberté, non pas pour ces croyants - ils ne le sont pas tous ­ mais pour ces pratiquants, la liberté et le moyen de continuer l’exercice de leur culte [ ... ] sans avoir fourni à ceux qui tiennent au culte les moyens d’y pourvoir par d’autres procéder, et par conséquent sans avoir organisé au moins la liberté d’association avec une certaine personnalité civile au profit des associations religieuses. (Mouvements divers).


Autrement dit, et ce sera repris par M. Waldeck-Rousseau, autre grand homme d’État, si vous voulez la séparation des Églises et de l’État, il faut d’abord faire une loi sur les associations. Tous les hommes politiques en était bien conscients. C’est pour cela qu’il a fallu déposer 34 propositions et projets de loi pour la loi sur les associations, et que les débats ont duré du 15 janvier au 30 juin 1901.

2° Ce qui a été fait en 1905. On a ”privatisé” le service public. Les églises étaient gérées par des établissements public du culte : les ”fabriques”. Ces établissements cessaient d’exister. Leurs biens étaient transmis à des ”associations cultuelles”. C’est ce qui s’est immédiatement passé pour les cultes protestants et israélite. Il a fallu attendre 1924 que le Saint-Siège accepte la création d’association diocésaines.

3° Que dit la loi : De nombreux articles n’ont plus de raison d’être : ils ont trait aux pensions des ministres du cultes -ceux-ci ne sont plus là; ou à la dévolution des biens - réglée depuis longtemps.

Sont importants, les deux premiers articles :

1. La République française ne reconnaît, ni ne subventionne ni ne salarie aucun culte. Par contre, elle assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes avec des restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public.

Ce libre exercice du culte, garanti par la loi, est la seule liberté publique à jouir de cette assurance dans le seul pays du monde à lui donner force de loi ! Avant la loi de séparation, il n’y avait que quatre cultes ”reconnus”, les autres, ne demandant rien, étaient ”tolérés” puisqu’on n’en parlait pas tant qu’ils ne faisaient pas parler d’eux.

2. Autre article important, celui qui stipule que les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront la propriété de l’État, des département ou des communes, mais laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer. Sacrée subvention quand on a dit plus haut que le culte n’était plus subventionné ! !!

Il ne faut surtout perdre de vue les articles 31 à 35. C’est à dire la condamnation de ceux qui veulent contraindre, par des moyens physiques et/ou moraux, les autres à croire ou à ne pas croire. Ceux qui perturbent le (bon) déroulement du culte. Ceux des ministres du culte qui profitent de leur situation pour faire de la politique .

Cette loi à été plusieurs fois remaniée depuis sa promulgation. Tout dépend du remaniement !

Pour plus de précisions, je vous invite à visiter le site www.eglise-etat.org
Maurice Gelbard

Depuis 1999 au service des associations
Jurisprudence, décrets, lois, etc.

Dénoncer son président auprès d'un juge, comment faire ?

01-07-2025

Que faire en cas de découvertes de malversations de la part du président de son association ? Ne rien dire ? Difficile et dangereux. Le dénoncer ? Oui, mais comment ? Déposer

Marchandisation du secteur associatif : processus dangereux

01-07-2025

La marchandisation du secteur associatif vise à transformer, à la fois le financement des associations et le regard porté sur leur rôle dans notre société. Le décryptage du

Panorama associatif numéro 135 : début juillet 2025

01-07-2025

Le Panorama associatif de Loi1901 a pour objectif de vous détailler plusieurs mesures qui ne peuvent pas faire l'objet d'un article complet, à l'unité, car trop courtes. Au

Service civique : quid du partage des responsabilités ?

24-06-2025

Pour le régime juridique du service civique, les jeunes en service civique ne sont ni salariés ni bénévoles, encore moins stagiaires ou en formation. Ils sont volontaires pour

Pour une bonne gouvernance Associative : tout savoir (3ème partie)

24-06-2025

Voici la troisième et dernière partie qui concerne les bonnes pratiques et témoignages pour une bonne et durable gouvernance associative. L'objectif, encore une fois, est de vous

Reçus fiscaux : l'intérêt général avant tout

24-06-2025

Emettre un reçu fiscal n'est autorisé que pour les associations RUP ou reconnues d'intérêt général (1). Il est, à ce titre, rappelé que la délivrance irrégulière de reçus fiscaux

Pour une bonne gouvernance Associative : tout savoir (2ème partie)

17-06-2025

Voici la deuxième partie concernant les bonnes pratiques et témoignages pour une bonne et durable gouvernance associative. L'objectif, encore une fois, est de vous aider à

Panorama associatif numéro 134 : juin 2025

17-06-2025

Le Panorama associatif de Loi1901 a pour objectif de vous détailler plusieurs mesures qui ne peuvent pas faire l'objet d'un article complet, à l'unité, car trop courtes. Au

Les associations politiques : apport réel ou tromperie sournoise ?

17-06-2025

De plus en plus, les citoyens s'associent pour porter ensemble leur parole et leur capacité d'intervention dans tous les champs de la vie collective. Mais le développement de

Pour une bonne gouvernance Associative : tout savoir (1ère partie)

10-06-2025

Avec les profondes modifications qui touchent aujourd'hui le secteur associatif, il est devenu tout à fait pertinent de mettre en place des règles dites "de bonne gouvernance"

Découvrir 10 autres articles
La société dans tous ses états

Comment renforcer le lien social ?

01-07-2025

C'est une bonne question que pose le titre de cet article. Oui, comment renforcer le lien social fort distendu depuis les 15 dernières années ? Un proche du président Macron,

Observatoire citoyen de la marchandisation des associations 2025

24-06-2025

L'Observatoire citoyen de la "marchandisation des associations" publie son deuxième rapport qui met en avant les moyens disponibles pour entamer la "démarchandisation des

Une histoire de poissons volants

17-06-2025

On appelle les poissons volants "exocet". Son nom a été donné à un missile français bien connu car, comme ce poisson, il vole au ras de l'eau et a coulé le destroyer britannique

Comment réunir les conditions de délégation de pouvoirs dans une association ?

10-06-2025

Une délégation de pouvoirs est l'acte par lequel une personne dite le délégant, transfère à une autre personne appelée le délégataire, une partie de ses pouvoirs. Le délégataire

Toute découverte de la science pure est subversive en puissance

03-06-2025

Rendons à Aldous Huxley le titre de cet article que nous lui avons emprunté. De son côté, Henri Michaux se plaignait déjà que "Toute science crée une nouvelle ignorance" ce qui

Etre partie civile en tant qu'association : comment faire ?

27-05-2025

Votre association est victime d'une infraction, d'un acte interdit par la loi et passible de sanctions pénales ? Elle a subi un préjudice ? Elle souhaite défendre un tiers ? La

Loi Handicap : un chantier largement inachevé 20 ans après

20-05-2025

Durant l'année 2005, la France faisait évoluer ses dispositions juridiques en matière d'accès aux droits pour les personnes handicapées, grâce à la loi 2005-102 (dite loi

Groupe associatif : l'union fait la force

13-05-2025

Il existe des principes intangibles dont l'efficacité n'est plus à démontrer. La devise "l'union fait la force" fait partie de ceux-là. Et le secteur associatif le démontre à son

Les associations au bord de la crise de nerfs

06-05-2025

Le Mouvement associatif, le Réseau National des Maisons des Associations (RNMA) et Hexopée (qui accompagne les employeurs de l'ESS) ont mandaté l'Observatoire Régional de la Vie

Quand le modèle de la commande publique vient paupériser les associations

29-04-2025

Depuis un peu plus d'une quinzaine d'années, l'État et les collectivités locales utilisent, pour financer les associations, de moins en moins les subventions et de plus en plus

Découvrir 10 autres articles
Un peu d'ESS dans nos associations

Observatoire des vacances et des loisirs des enfants

01-07-2025

L'Observatoire des vacances et des loisirs des enfants (OVLEJ) a fait le choix de mettre en oeuvre une nouvelle étude permettant de prendre en compte les freins et leviers à

2025 : 20ème édition de la La France bénévole

24-06-2025

Cette 20ème édition de "La France Bénévole" ne concerne pas l'ancienne ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra, qui réclame 9 000 euros bruts par mois pour être à la tête du

La 6ème Edition du Baromètre du Bénévolat se veut un peu trop rassurante

17-06-2025

Selon le 6ème Baromètre du Bénévolat publié par France Bénévolat, les bénévoles associatifs seraient moins nombreux, mais plus jeunes et plus investis. Je veux bien le croire,

ESS : le dernier kilomètre de l'intérêt général

10-06-2025

L'économie sociale et solidaire est un modèle à part dans l'économie française qui rassemble 14 % de l'emploi salarié privé au travers des associations, coopératives, fondations,

La place du numérique dans le projet associatif en 2025

03-06-2025

La transition numérique, qui est un enjeu majeur pour la société française, a été adoptée très rapidement par la majorité des associations. Il y a toujours un bénévole qui possède

On fait le point sur la parité dans l'encadrement sportif

27-05-2025

Le Haut Conseil à l'Egalité Entre les Hommes et les Femmes vient de publier un rapport sur la parité dans l'encadrement sportif. Cette enquête met en lumière les obstacles

La 5ème édition de la SASER du 19 au 23 mai 2025

20-05-2025

La SASER est l'acronyme de la Semaine des Achats Socialement et Écologiquement Responsables. Elle commence dès aujourd'hui et se terminera le 23 mai. C'est déjà la cinquième

Démission d'un membre dirigeant : l'art et la manière

13-05-2025

En principe, un membre d'une association peut démissionner à tout moment et librement sauf avis contraire des statuts. En effet, ces derniers peuvent soumettre la démission à

Transfert de contrats de travail entre 2 associations

06-05-2025

Le transfert d'une activité économique autonome entre 2 associations a pour effet de transférer les contrats de travail de l'une à l'autre. Et pourtant, ce genre de situation

Associations : vous avez droit à l'exonération totale des droits de mutation

29-04-2025

Il faut le dire et le répéter, les acteurs de l'économie sociale ignorent trop souvent la fiscalité relatives aux donations, legs et surtout les assurances vie dont bénéficient

Découvrir 10 autres articles
Abonnez-vous à Lettrasso+