29-03-2023  SOCIETE LIBRE

Cela en est assez de la cécité du cétacé

Jean Carmet, le regretté acteur, répétait souvent à ses amis une phrase aussi drôle que vraie : "Un sous-marin, pour une baleine, c'est un gros suppositoire". Pourquoi cette comparaison plaisait-elle à cet épicurien reconnu ? Bill Vaughan, auteur américain célèbre pour ses aphorismes, disait : "La taille ne fait pas tout. La baleine est en voie d'extinction alors que la fourmi se porte bien". La baleine appartient à l'ordre des cétacés. Elle n'est pas la seule.

Pourquoi parler de la baleine, mammifère impressionnant s'il en est, alors que nos rues enflent de la colère de citoyens fatigués de n'être ni entendus, ni compris ?

Herman Melville, l'auteur de Moby Dick, porté par la voix de son narrateur Ismaël, avait une explication particulière pour décrire la baleine : "Disons donc, pour être brefs, que la baleine est un poisson qui souffle un jet d'eau et qui a une queue horizontale. Quoique condensée, cette définition est le résultat d'une longue réflexion".

Si cette histoire est connue de tous, le livre ne l'est pas assez. Il est vrai que pourchasser une baleine blanche à bord du baleinier Péquod pour une traversée de 800 pages, il y a de quoi refroidir de nombreux marins, à commencer par ceux qui parlent le français de France, embarqués dans une crise sociale et démocratique que notre président a visiblement du mal à comprendre.

Il y a sans doute une similitude entre le capitaine Achab qui bouscule son équipage à la poursuite d'une chimère, fut-elle un cachalot blanc particulièrement féroce, et notre président qui nous entraîne dans un voyage dont il devrait se méfier, tant la destination pourrait le surprendre, loin très loin de sa devise initiale :"parce que c'est notre projeeeeeeeeeeet".

Que pensaient ces marins à bord du "Péquod", voyant un Achab christique et beau parleur leur vanter les différences émérites entre l'esquisse et le grandiose ? Savaient-ils ces hommes que l'unique objet du capitaine était son ressentiment pour un cétacé qui lui avait arraché une jambe par le passé ? Connaissons-nous le ressentiment de notre président qui disait, il y a 3 ans, "quand le peuple ne comprend pas les réformes, il faut changer de peuple".

Nous connaissons tous la fin de cette triste histoire. Le "Péquod" finira par sombrer au large des îles Gilbert en laissant le narrateur Ismaël seul survivant, flottant sur un cercueil, plus "c'est assez" que "cétacé". La cécité du capitaine Achab ressemble à celle du président Macron. Embarquer un pays de 67 millions d'âmes, dans une navigation de courte vue, avec une barque qui prend l'eau, le voyage risque de mal se terminer.

Notre président nous vend de l'avenir comme Melville nous vend son histoire. A écouter le premier, nous devrions pouvoir nous attendre à vivre un deuxième quinquennat palpitant qui verra la France déborder de policiers en costumes noirs et de prisons disséminées au quatre coins de notre beau pays. Etrange réponse à une demande non formulée, quand on sait que le pays a fait preuve de beaucoup de patience.

Il est des entreprises pour lesquelles la vraie méthode est un désordre intentionnel répond Achab à son fidèle Ismaël lorsque ce dernier lui fait remarquer que sa navigation manque de cohérence.

Achab et Macron ont un autre point commun, jamais dans le roman du premier comme dans les discours du second, le peuple n'est cité. Masse informe et malheureuse qui sert le récit du capitaine ou conglomérat incompréhensible et ignorant qui embarrasse le président. Dans les 2 cas, cécité paranoïaque, paroles langagières et bavardes qui jamais n'entendront les mots confiés, murmurés ou parfois livrés comme un cri, une révolte, un appel. Pauvres paroles hurlées dans le silence fracassant de notre extrême fatigue et de notre intime colère.

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Le temps est venu de lire ou relire Moby Dick

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Cela en est assez de la cécité du cétacé 
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